Je n'avais que 6 mois et demi, lorsque l'éleveur est venu me chercher.
Ma mère dormait encore.Il m'a mis un licol et m'a emmené. 
Je pensais qu'on allait se promener, alors je me suis laissé faire. 
Il m'a emmener vers un énorme camion dans lequel il y avait d'autres chevaux. Ils hennissaient tous plus forts les uns que les autres. 
J'ai soudainement entendu le hennissement de ma mère. J'ai voulu la rejoindre, mais l'homme m'en a empêché. Il me tenait et je tirais de toutes mes forces pour rejoindre maman, mais quelque chose m'a fait mal et je me suis arrêté de tirer. 
A coups de fouet et de bâton, on m'a obligé à monter.

    -Maman, pourquoi tu m'as laissé partir? Pourquoi tu ne m'as pas sauvé ?

Je suis resté silencieux durant tout le voyage. Il a duré plus de 20 heures. 
On devait rester debout et je commençais à avoir soif et faim. J'ai henni, espérant que l'on me donne eau et nourriture, mais je n'ai rien eu. Rien du tout. On nous a descendus dans un immense hangar humide et sombre. J'étais le premier à sortir. 
On m'a attaché plus loin et j'ai pu voir, avec mes yeux de 6 mois, la mort. Plusieurs cadavres de chevaux et de poulains étaient sortis, puis étendus devant moi. 
On m'a tiré de force dans un couloir. J'ai henni plus fort, utilisant mes dernières réserves de santé. 
On m'a forcé à avancer et puis tout à coup, quelque chose m'est tombé dessus, je n'ai pas le temps de regarder, mais j'ai pu sentir un liquide chaud qui coulait sur mes membres avant que de découvrir...du sang ! 
Et j'ai compris l'incompréhensible. 
J'étais en train de mourir et mes dernières pensées étaient pour ma mère chérie qui était si loin de moi, elle qui, dès demain, revivra la même histoire, avec un autre poulain et son calvaire ne se finira que, lorsqu'elle n'aura plus la force de donner la vie, pour qu'on lui prenne la-sienne, aussi vite...



Aujourd'hui, ça fait une semaine que je suis né, quel bonheur d'être arrivé dans ce monde !


1er mois: 

Ma maman s'occupe très bien de moi. C'est une maman exemplaire.


2ème mois : 

Aujourd'hui, j'ai été séparé de maman. Elle était très inquiète et m'a dit adieu du regard. En espérant que ma nouvelle "famille humaine" s'occupera aussi bien de moi qu'elle.


3ème mois : 

J'ai grandi vite, tout m'attire et m'intéresse. Il y a plusieurs enfants à la maison, ils sont pour moi comme des "petits frères". Nous sommes très polissons, ils me tirent la queue et je les mords pour jouer.


5ème mois : 

Aujourd'hui, ils m'ont disputé. Ma maîtresse m'a grondé parce que j'ai fait "pipi" à l'intérieur de la maison, mais ils ne m'ont jamais dit où je devais le faire. En plus je dors dans la réserve... et je ne m'en plains pas!


12ème mois : 

Aujourd'hui j'ai eu un an. Je suis un chien adulte. Mes maîtres disent que j'ai grandi plus qu'ils ne le pensaient. Qu'est-ce qu'ils doivent être fiers de moi !


13ème mois : 

Aujourd'hui, je me suis senti très mal. Mon "petit frère" m'a pris ma balle. Moi, je ne lui prends jamais ses jouets. Alors je lui ai reprise. Mais mes mâchoires sont devenues fortes et je l'ai blessé, sans le vouloir. Après la peur, ils étaient furieux et ils m'ont enchaîné, je ne peux presque plus voir le soleil. Ils disent qu'ils vont me surveiller, que je suis un ingrat. Je ne comprends rien à ce qui se passe.


15ème mois : 

Plus rien n'est pareil... je vis sur le balcon. Je me sens très seul, ma famille ne m'aime plus. Ils oublient parfois que j'ai faim et soif. Quand il pleut, je n'ai pas de toit pour m'abriter.


16ème mois : 

Aujourd'hui, ils m'ont fait descendre du balcon. J'étais sûr que ma famille m'avait pardonné et j'étais si content que je sautais de joie. Ma queue bougeait dans tous les sens. En plus, ils m'emmènent avec eux pour une promenade. Nous avons pris la direction de la route et d'un coup, ils se sont arrêtés. Ils ont ouvert la porte et je suis descendu, tout content, croyant que nous allions passer la journée à la campagne. Je ne comprends pas pourquoi ils ont fermé la porte et sont partis. "Attendez !Vous... vous m'oubliez." J'ai couru derrière la voiture de toutes mes forces. Mon angoisse grandissait quand je me rendais compte que j'allais m'évanouir et qu'ils ne s'arrêtaient pas : ils m'avaient oublié.


17ème mois : 

J'ai essayé en vain de retrouver le chemin pour rentrer à la maison. Je me sens mal et je suis perdu. Sur mon chemin, il y a des gens de coeur qui me regardent avec tristesse et me donnent un peu à manger. Je les remercie du regard et du fond du coeur. J'aimerais qu'ils m'adoptent et je leur serais loyal comme personne. Mais ils disent juste "pauvre petit chien", il a dû se perdre.


18ème mois : 

L'autre jour, je suis passé devant une école et j'ai vu plein d'enfants, comme mes "petits frères". Je me suis approché et un groupe, en riant, m'a lancé une pluie de pierres pour "voir qui visait le mieux". Une des pierres m'a abîmé l'oeil et depuis je ne vois plus de celui-ci.


19ème mois : 

Vous ne le croirez pas, mais les gens avaient plus pitié de moi quand j'étais plus joli. Maintenant je suis très maigre, mon aspect à changé. J'ai perdu mon œil et les gens me font partir à coup de balais quand j'essaie de me coucher dans un petit coin d'ombre.


20ème mois : 

Je ne peux presque pas bouger. Aujourd'hui, en essayant de traverser la rue où circulent les voitures, je me suis fait renverser. Je pensais être dans un endroit sûr, appelé fossé, mais je n'oublierai jamais le regard de satisfaction du conducteur qui a même fait un écart pour essayer de m'écraser. Si au moins il m'avait tué ! Mais il m'a éclaté la hanche. La douleur est terrible, mes pattes arrières ne réagissent plus et je me suis difficilement tiré vers un peu d'herbe au bord de la route.


21ème mois : 

Cela fait 10 jours que je passe sous le soleil et la pluie sans manger. Je ne peux pas bouger. La douleur est insupportable. Je me sens très mal, je suis dans un lieu humide et on dirait même que mon poil tombe. Des gens passent, ils ne me voient même pas, d'autres disent "ne t'approche pas". Je suis presque inconscient, mais une force étrange m'a fait ouvrir les yeux... la douceur de sa voix m'a fait réagir. Elle disait "Pauvre petit chien, dans quel état ils t'ont laissé"... avec elle il y avait un monsieur en blouse blanche, il m'a touché et a dit "je regrette madame, mais ce chien ne peut plus être soigné, il vaut mieux arrêter ses souffrances". La gentille dame s'est mise à pleurer et a approuvé. Comme je le pouvais, j'ai bougé la queue et je l'ai regardé, la remerciant de m'aider à trouver enfin le repos. Je n'ai senti que la piqûre de la seringue et je me suis endormi pour toujours en me demandant pourquoi j'étais né si personne ne me voulait...